Associations: "les liaisons dangereuses"

L'enquête sur les relations entre les élus et les associations diffusée sur France 3 le mercredi 29.11.2017, lors de l'émission "pièces à conviction", a rappelé aux spectateurs les dérives du pouvoir. Ces "liaisons dangereuses" sont hélas trop fréquentes et ne datent pas, encore hélas, d'hier. A tous les niveaux l'utilisation partisane de l'argent public est en contradiction avec la défense de l'intérêt général.

Le cas d'école était celui de Jean-Christophe LAGARDE, député de le 5° circonscription du 93 et maire de Drancy de 2001 à 2017 . Il illustre l'utilisation de la réserve parlementaire (enfin récemment abolie, ouf !) et celle des subventions municipales à des fins électoralistes. Certaines associations bénéficiaires ont eu des durées éphémères, des allocations à ces associations ont "disparu", des présidents de ces associations ont été embauchés en mairie avec des ascensions de salaire fulgurantes (et illégales), et les antécédents plus que douteux pour certains n'ont en rien empêché ces promotions.

Au niveau de l'Etat, la promptitude des gouvernants à accorder des subventions à des associations défendant la bonne cause du moment mérite elle aussi un blâme de la part des citoyens. L'Etat estime devoir occuper l'espace médiatique et utilise alors les associations toutes prêtes à profiter de la manne publique. Alors qu'il existe un Comité interministériel de lutte contre la radicalisation, l'Etat a fait bénéficier d'un appel d'offres à 300.000 € un dénommé Alain RUFFION, responsable de l'UNISMED, qui proposait une méthode de déradicalisation (jamais testée), cause nationale du moment. L'enquête démontre que les informations fournies par ce responsable étaient fausses, ce qui ne l'a pas empêché d'être attributaire. Au moment de la diffusion de l'émission ce M. RUFFION ne faisait plus partie de l'UNISMED.

Lors de la discussion, après la diffusion de l'enquête, l'invité, M. Hervé LEBRETON, promoteur de l'Association pour une démocratie directe, rappelait les textes fondateurs de notre démocratie, notamment la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il invitait les citoyens à exercer ces droits pour obtenir la transparence dans l'utilisation de l'argent public, pour pouvoir contrôler cette utilisation, et pour exiger l'application de sanctions en cas de manquements.

Qu'en est-il à Grasse pour les associations ?

En matière de transparence, devraient être aisément accessibles, sur le site de la ville en particulier, au moins les informations (prévues par les textes) relatives aux associations ayant reçu, dans l'année, toutes origines publiques confondues (commune, communauté d'agglo, département, région, ministère) en subventions cumulées :

- 23.000 € : objet, modalités de versement, conditions d'utilisation de la convention

- 153.000 € : en plus des informations précédentes , bilan, compte de résultat et son annexe (explicative)

De plus, les critères d'attribution de subventions devraient être clairs et cohérents. Et, là, on ne sait rien. Comment juger si l'on ne connaît même pas succintement l'activité annoncée d'une association ? Cette information fait cruellement défaut aux délibérations du conseil municipal, en complément de la subvention votée.  

Actuellement, l'opacité règne à Grasse. Aucune information n'est mise à disposition du citoyen (la loi dit même de « quiconque » a droit d'être informé), et même des conseillers municipaux doivent batailler pour obtenir les informations relatives à la ville.

A lors, qu'en est-il du contrôle ?

Qui peut croire que les services des collectivités contrôlent sérieusement les associations bénéficiaires de subventions ?

Pour 2016,la liste des bénéficiaires de la manne départementale comporte environ 2.400 lignes, celle des bénéficiaires de la CAPG (communauté d'agglo), 79 lignes et celle des bénéficiaires de la commune de Grasse autour de 173. L'année 2017 n'étant pas terminée, les chiffres la concernant ne sont pas encore disponibles.

Séparer l'ivraie du bon grain.

Alors, au citoyen de se pencher sur la façon dont est dilapidé l'argent public. Car des questions, il peut s'en poser et la quête des réponses est difficile. Il lui faut additionner les subventions ville, CAPG et Département, voire Etat, à partir de fichiers à l'utilisation malaisée (est-ce fait exprès pour dissuader les demandeurs?). Il peut aussi essayer de voir les liens entre certaines associations et des conseillers ou des fonctionnaires territoriaux. Les noms des responsables n'apparaissent pas à côté de la subvention allouée.

Bref, pour savoir où se situent les abus, où l'intérêt particulier l'emporte sur l'intérêt public, où le clientélisme fait rage, sortir de l'opacité actuelle devient une nécessité et les informations doivent être aisément disponibles. Et c'est aussi de cette façon que les associations utiles à la collectivité pourront être mieux identifiées et mieux soutenues.

Heureusement, il y a les sanctions !

Ces sanctions peuvent venir de l'organe distributeur, qui devrait contrôler l'utilisation de la subvention conformément à la convention passée. Les tribunaux peuvent mettre en œuvre l'article 106 du code électoral (voir ci-dessous). Ce n'est pas encore entré dans les mœurs. Et le citoyen peut, lui aussi, dénoncer d'éventuelles dérives. Enfin, au moment de l'élection municipale, l'électeur peut prendre en compte son jugement sur la gestion de l'argent public dans les associations. Mais à ce moment-là, il intégrera son jugement sur les subventions dans un jugement global de la gestion de son maire.

Pour vous inciter à vous intéresser aux subventions, un petit jeu vous est proposé après l'article du code électoral.

Article L106 du code électoral

Quiconque, par des dons ou libéralités en argent ou en nature, par des promesses de libéralités, de faveurs, d'emplois publics ou privés ou d'autres avantages particuliers, faits en vue d'influencer le vote d'un ou de plusieurs électeurs aura obtenu ou tenté d'obtenir leur suffrage, soit directement, soit par l'entremise d'un tiers, quiconque, par les mêmes moyens, aura déterminé ou tenté de déterminer un ou plusieurs d'entre eux à s'abstenir, sera puni de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 15 000 euros.

Seront punis des mêmes peines ceux qui auront agréé ou sollicité les mêmes dons, libéralités ou promesses.

Petit jeu pour éveiller votre curiosité – Réponse au prochain numéro 

Découvrez l'association bénéficiaire (en 2016)- Montants en €uros

association subv.ville      subv. Agglo (CAPG)        subv. Département           Total

A :               202.703                  9.955                                                             212.658

B :               202.703                80.000                           30.000                       312.703

C :                                            35.000                                                               35.000

D :               280.000              295.000                                                             575.000                        

E :                                          780.000                          179.000                      959.000

F :                720.000                                                                                       720.000

G :                                           38.000                                                                38.000

Affectez une lettre de la colonne « association » à l'une des associations suivantes :

Office de tourisme – Théâtre de Grasse- Comité des Oeuvres sociales- Rugby Olympique Grassois Club des entrepreneurs – Racing Club de Grasse – Solicités